Face à l’utilisation croissante de l’or comme instrument de blanchiment d’argent, le Maroc a renforcé son dispositif de lutte contre la criminalité financière. Cet article analyse le cadre juridique et opérationnel mis en place, en mettant en lumière les défis persistants et les perspectives d’évolution.
L’or, symbole de richesse et de sécurité, est de plus en plus utilisé par les réseaux criminels comme instrument pour blanchir des fonds issus d’activités illicites. Face à l’ampleur croissante de cette menace, le Maroc intensifie sa lutte contre le blanchiment d’argent, notamment celui opéré via le commerce de l’or. La douane marocaine, en coordination avec la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), la Direction générale de la Surveillance du Territoire (DGST) et la Gendarmerie royale, déploie un arsenal juridique et opérationnel pour contrer ce phénomène.
Des investigations menées au sein de plusieurs juridictions du Royaume ont mis en lumière une recrudescence des infractions liées à la falsification d’instruments commerciaux, notamment de factures de vente d’or, concomitamment à une augmentation des mouvements de fonds suspects.
Récemment, une opération policière d’envergure a démantelé un réseau criminel impliqué dans un trafic international d’or. Cinq individus ont été interpellés et les perquisitions menées ont abouti à la saisie de 87 lingots d’or dans la ville d’Oujda, pour un poids total de 33 130 kilogrammes, ainsi que d’importantes sommes d’argent.
Le Maroc a mis en place un dispositif robuste de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC/FT), renforcé par la loi n°12-18 et la loi n°43-05 du 17 avril 2007. Ce dispositif s’appuie sur des dispositions clés du Code pénal, notamment l’article 574-2 qui définit le blanchiment de capitaux, l’article 574-3 qui l’incrimine, l’article 574-4 qui prévoit des circonstances aggravantes (comme l’implication de professionnels ou le blanchiment en bande organisée) et l’article 574-5 qui permet la confiscation de l’or utilisé. Combinées aux lois encadrant le commerce de l’or, ces mesures visent à dissuader l’utilisation de l’or comme instrument de blanchiment et à renforcer la lutte contre la criminalité financière.
Pour concrétiser cette lutte, le dispositif s’articule autour de trois piliers :
- La Prévention : Des obligations légales strictes sont imposées aux acteurs économiques (banques, assurances, etc.) pour identifier et signaler les transactions suspectes. Ces « personnes assujetties » sont placées sous la surveillance d’autorités sectorielles.
- Le Renseignement financier : L’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) joue un rôle central. Elle analyse les déclarations de soupçon, mène des enquêtes financières et transmet les dossiers au parquet en cas de suspicion d’infraction.
- La Répression : Les douanes, la police et la gendarmerie traquent les flux financiers illicites, notamment ceux liés au trafic d’or. Les institutions financières sont tenues de coopérer activement avec les autorités judiciaires.
Face à l’essor du blanchiment d’argent via le commerce international, le GAFI et le Groupe Egmont ont publié un rapport conjoint qui met en garde contre l’utilisation croissante de l’or dans les schémas criminels. L’exploitation minière illégale, source de violations des droits humains et de dommages environnementaux, alimente ce phénomène. L’or, en plus de faciliter le déplacement de valeurs, peut se substituer aux espèces, devenant un instrument privilégié pour blanchir l’argent sale.
Conscient de cette menace, le Maroc renforce son dispositif de contrôle en intégrant le secteur du négoce de l’or, conformément aux standards internationaux. Cette démarche s’inscrit en cohérence avec la 4ème Directive Européenne du 20 Mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, qui établit un cadre juridique harmonisé pour l’inclusion du commerce de biens de valeur, dont l’or et les pierres précieuses, dans les mécanismes de lutte anti-blanchiment. Le Patriot Act américain, loi signée par l’ex président américain George Bush le 26 octobre 2011, promulguée suite aux attentats du 11 septembre 2001 et qui vise notamment à renforcer les contrôles sur les transactions financières pour prévenir le financement du terrorisme. Elle constitue également une source d’inspiration en la matière, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives au négoce de métaux précieux. Le dispositif national, en constante évolution, s’adapte aux nouvelles menaces et intègre les meilleures pratiques internationales pour prévenir l’utilisation de l’or dans le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Afin de prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme à travers l’usage de l’or, les autorités marocaines ont renforcé leur système de détection en se basant sur l’analyse d’indicateurs de risque tels que les opérations atypiques, les transactions suspectes et les mouvements de fonds inexpliqués. Ce renforcement se traduit notamment par un examen systématique des numéros de série et des sceaux apposés sur les bijoux en or saisis lors d’opérations de lutte contre le trafic de drogue, permettant ainsi de tracer l’origine de ces biens et d’identifier les réseaux impliqués dans le blanchiment d’argent.
Malgré les efforts déployés, la lutte contre le blanchiment de capitaux via l’or demeure un défi permanent qui exige une coopération nationale renforcée, conformément à la recommandation 2 du GAFI, et une coopération internationale efficace, en application des recommandations 36 à 40 du GAFI. L’évaluation régulière de l’efficacité des contrôles, le renforcement des mécanismes de coopération et l’adaptation constante du dispositif aux nouvelles typologies de blanchiment sont des enjeux cruciaux pour garantir l’avenir de la lutte contre ce fléau. Le Maroc doit rester vigilant et poursuivre ses efforts pour préserver l’intégrité de son système financier et empêcher que l’or ne devienne un instrument au service de la criminalité.
Source
Journal Bladi.net
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