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L’Observatoire national de la criminalité : un défi de taille pour la coopération interinstitutionnelle

Le Maroc se dote d’un nouvel outil dans la lutte contre la criminalité : l’Observatoire national de la criminalité (ONC). Si cette initiative est porteuse d’espoir pour une politique pénale plus efficace, sa réussite dépendra de sa capacité à surmonter un défi majeur : la coopération interinstitutionnelle. Entre harmonisation des données, partage d’informations et respect des prérogatives de chaque acteur, l’ONC devra naviguer dans un paysage institutionnel complexe pour s’imposer comme un véritable moteur de la lutte contre la criminalité.

Novembre 2024 marque un tournant dans la lutte contre la criminalité au Maroc avec l’inauguration de l’Observatoire national de la criminalité (ONC), concrétisant ainsi la volonté royale exprimée dans le discours du 20 août 2009. En vertu des articles 10 et 13 de l’arrêté du ministre de la Justice n° 1501-22 du 22 rebia I 1444 (19 octobre 2022, version arabe), l’ONC est chargé de collecter des données statistiques auprès des autorités compétentes afin de détecter le phénomène criminel et de proposer des solutions pour le prévenir, contribuant ainsi à l’élaboration de politiques pénales éclairées et à l’optimisation de l’action des acteurs judiciaires.

En effet, l’ONC est explicitement mentionné à l’article 7 du décret n° 2-22-400 du 21 rebia I 1444 (18 octobre 2022, version arabe), fixant les attributions et l’organisation du ministère de la Justice. L’inauguration a été marquée, le 26 novembre, par la tenue d’un symposium international et par la signature de partenariats avec des universités, témoignant de la volonté de l’ONC de s’appuyer sur des méthodologies scientifiques reconnues, comme celles de l’Institut pour l’économie et la paix (IEP).

Cependant, l’intégration de l’ONC dans le paysage institutionnel marocain soulève un défi majeur : la coopération interinstitutionnelle. La lutte contre la criminalité mobilise un large éventail d’acteurs (police, gendarmerie, justice, administration pénitentiaire, santé, éducation, affaires sociales…) avec lesquels l’ONC devra interagir, tout en respectant leurs prérogatives et en garantissant la cohérence de l’action publique.

Or, cette coopération peut se heurter à des obstacles : résistances au changement, luttes d’influence, difficultés de communication, divergences de culture organisationnelle… L’ONC devra donc s’efforcer d’instaurer un climat de confiance et de collaboration avec ses partenaires, dans le respect du cadre légal régissant l’échange d’informations entre les différentes institutions.

Harmonisation des données et coopération interinstitutionnelle

Un autre défi concerne la cohérence des données. Comment s’assurer que les données de l’ONC sont comparables à celles des autres institutions (police, gendarmerie…) ? Comment éviter les doubles comptes ou les lacunes dans l’enregistrement des infractions ? L’harmonisation des méthodes de collecte et de traitement des données est essentielle, en s’appuyant sur les standards internationaux tout en tenant compte du contexte marocain.

La question de la communication des données est également cruciale. L’ONC pourrait-il accéder aux informations de la police judiciaire dans le cadre d’enquêtes en cours ? Comment le parquet utilisera-t-il les analyses de l’ONC pour orienter sa politique pénale ?

L’expérience d’autres pays, tels que la France avec son Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) ou le Canada avec son Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ), peut offrir des enseignements précieux pour le Maroc. L’étude comparative des modèles internationaux en matière de collecte et d’utilisation des données sur la criminalité permettra d’identifier les bonnes pratiques et d’adapter les solutions aux spécificités du contexte marocain.

L’Observatoire national de la criminalité est une initiative prometteuse qui s’inscrit dans la dynamique de modernisation de la justice marocaine. Sa réussite dépendra en grande partie de sa capacité à relever les défis juridiques, tels que la protection des données à caractère personnel, conformément à la loi n° 09-08, et au respect des libertés individuelles. En plaçant le droit au cœur de son fonctionnement, l’Observatoire pourra pleinement contribuer à la sécurité et à la stabilité du Royaume.

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