LexisNexis Maroc

Indice AML de Bâle 2024 : Un signal d’alarme pour la LAB/FT au Maroc ?

Malgré un arsenal juridique renforcé, le Maroc peine à traduire ses engagements en matière de lutte anti-blanchiment en actions concrètes. L’Indice Bâle 2024 met en lumière les faiblesses persistantes du dispositif national, notamment en matière d’efficacité des poursuites et de transparence financière.

Le Maroc s’est engagé dans une lutte active contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LAB/FT), traduite par un renforcement significatif de son arsenal juridique, notamment avec la loi n° 43-05 telle que modifiée et complétée par la loi n° 12-18 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux. Toutefois, l’Indice de lutte contre le blanchiment d’argent 2024 de l’Institut de Bâle, qui positionne le Royaume au 95ᵉ rang mondial, révèle un décalage préoccupant entre la conformité normative et l’efficacité opérationnelle du dispositif national.

L’Indice AML de Bâle, dont c’est la 13ème édition, est un outil indépendant d’évaluation des risques de blanchiment d’argent et de criminalité financière à travers le monde. Développé par l’Institut de Bâle sur la Gouvernance, il attribue des scores de risque aux pays en se basant sur 17 sources de données publiques, incluant les évaluations du GAFI, les indices de corruption de Transparency International et les données de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Ces scores couvrent cinq domaines clés : la qualité du cadre légal, les risques de corruption et de fraude, la transparence financière, la transparence de l’action publique et les risques juridiques et politiques. L’Indice AML de Bâle offre ainsi une perspective globale sur les vulnérabilités des pays face à la criminalité financière.

Si le rapport salue les progrès en matière d’harmonisation du cadre légal avec les standards internationaux du GAFI, il pointe du doigt des faiblesses persistantes dans l’application concrète des mesures anti-blanchiment. Ce constat, reflétant une tendance mondiale inquiétante, s’illustre par une stagnation globale de l’efficacité des dispositifs de LAB/FT, qui plafonne à 28 % selon l’Indice Bâle.

Au Maroc, ce déficit d’efficacité se manifeste notamment dans :

  • La faible performance des enquêtes, poursuites et sanctions (20%): Ce constat soulève la question des moyens alloués aux autorités compétentes (Unités de Traitement du Renseignement Financier, justice) et de leur capacité à mener des investigations complexes face à des schémas de blanchiment sophistiqués.
  • Les difficultés en matière de confiscation des avoirs criminels (27%): La complexité des procédures, l’identification des ayants droit et la coopération internationale constituent autant d’obstacles à la récupération effective des produits du crime.
  • La transparence de la propriété effective des entreprises (21%): L’opacité qui entoure l’identification des bénéficiaires réels expose le Maroc à un risque accru de blanchiment d’argent, notamment via l’utilisation de sociétés écrans.

L’inclusion d’indicateurs de fraude dans la méthodologie de l’Indice Bâle 2024 accentue ces préoccupations. La fraude, en tant que catalyseur du blanchiment, exige une vigilance accrue et des mesures préventives renforcées.

Face à ces défis, le Maroc doit impérativement :

  • Renforcer les capacités opérationnelles des acteurs de la LAB/FT: Ceci implique d’investir dans la formation spécialisée des enquêteurs, magistrats et analystes financiers, et de doter les Unités de Traitement du Renseignement Financier des ressources humaines et techniques nécessaires à leur mission.
  • Améliorer la coordination interinstitutionnelle: La lutte contre le blanchiment nécessite une synergie efficace entre les différents acteurs (autorités judiciaires, services de renseignement, autorités de supervision, secteur privé). La mise en place de plateformes d’échange d’informations sécurisées et de mécanismes de coopération renforcés apparaît essentielle.
  • Promouvoir la transparence de la propriété effective: Il est crucial de renforcer les obligations de déclaration et de vérification des bénéficiaires réels des entreprises, en s’appuyant sur des registres centralisés et accessibles, en conformité avec les standards internationaux.
  • Intensifier la coopération internationale: Le blanchiment d’argent étant un phénomène transnational, le Maroc doit renforcer sa collaboration avec les pays partenaires, notamment en matière d’entraide judiciaire et d’échange d’informations.

En définitive, la lutte contre le blanchiment d’argent au Maroc requiert une approche globale et intégrée, combinant le renforcement du cadre légal, l’amélioration des capacités opérationnelles et la promotion d’une culture de conformité au sein des institutions et des professions concernées. L’enjeu est de taille, car la LAB/FT constitue un pilier essentiel de la bonne gouvernance, de l’intégrité financière et du développement durable.

Source

Consulter le rapport ici.

Pas encore utilisateur Lexis®MA ?  Réservez immédiatement votre démonstration sur Demande de démo LexisMA

Pour découvrir davantage d’actualités et d’autres contenus juridiques disponibles, rendez-vous sur LexisMA.com

Ajouter un commentaire